Nana/Kasane, la voleuse de visage (Partie II)

Partie II : Des héroïnes face aux normes de beauté (1990-2010)

Nana d’Ai Yazawa (2000) 

Nana aborde la question de la beauté féminine de façon singulière. Dans ce manga, le corps des femmes n’est pas instrumentalisé, il n’y a pas de femmes « objet » ni d’idéal de beauté au féminin. La beauté réside essentiellement dans les traits de personnalité et la capacité des personnages à s’extraire des normes de société qui ne leurs conviennent pas afin de s’accomplir. Le caractère innovant de ce manga réside donc dans le fait que les personnages féminins ne sont pas réduits à leur image plastique. Qu’elles soient considérées comme belles ou non, cela n’impacte pas leur destinée.

En effet, Nana Osaki et Nana Komatsu sont deux jeunes femmes de 20 ans aux caractères et au style vestimentaire diamétralement opposé : Nana Komatsu, archétype de la jeune fille idéale, réservée, sage, conventionnelle et  Nana Osaki, chanteuse au style punk qui souhaite percer dans le domaine de la musique indé, plutôt marginale, sont unies dans un but commun : gagner leur indépendance.

Kasane, la voleuse de visage de Matsuura Daruma (2013) 

Dans la continuité de Nana, Kasane la voleuse de visage va encore plus loin sur la thématique de la perception de la beauté féminine et en fait le sujet principal du récit. Être belle : unique solution pour faire carrière et exister au sein de la société ? Oui et non, répond Matsuura Daruma dans ce manga très singulier qui relate l’histoire de Kasane Fuchi une jeune fille considérée comme extrêmement laide mais très talentueuse.

En effet, Kasane ne parvient à trouver sa place au sein de la société que grâce à un stratagème fantastique lui permettant de voler le visage de femmes au physique recherché pour s’accomplir personnellement. Mais devenir belle lui permet seulement d’être mise au-devant de la scène professionnellement. Elle s’aperçoit que la beauté est une question subjective et qu’elle n’est ni plus heureuse, ni plus aimée. D’ailleurs, sur scène ce n’est pas totalement elle, c’est une autre. Cette prise de conscience fait sombrer peu à peu Kasane dans une forme de folie : plus elle devient belle physiquement, plus son esprit s’enlaidit, à tel point qu’elle ne supporte plus son reflet originel dans le miroir…de quoi remettre en question les normes de beauté puisqu’en définitive être belle aux yeux de la société n’est qu’un artifice, pas une condition pour s’accomplir personnellement.