Le Moyen Age a vu les tout débuts de la science expérimentale, en Angleterre notamment. La Renaissance poursuit ce mouvement et le diffuse à travers l’Europe. A cette époque, l’anatomie connaît des progrès décisifs grâce aux dissections qui se multiplient. Malgré ces découvertes, la médecine ne sort pas cependant d’une théorie ancienne, celle des « quatre humeurs ».
Au XVe siècle, les premiers livres imprimés de médecine ressemblent souvent à de vieux grimoires. En latin et ornés de lettres parfois manuscrites, ils explorent une science obscure, réservée aux initiés. Les phrases forment presque des incantations ou des formules magiques plus que des paragraphes.
La Renaissance modifie cet héritage peu à peu et profite surtout de l’imprimé pour le mettre à portée de tous. Deux types de livres apparaissent alors : certains de grands formats, souvent épais et donc chers, réservés aux études universitaires, qui présentent les derniers développements de la science de l’époque ; des livres « de poche », illustrés de gravures plus grossières et destinés à un public plus populaire, qui donnent des conseils pratiques pour soigner les maladies au quotidien.
La Médiathèque de Troyes Champagne Métropole en conserve justement un témoignage avec la collection de François Carteron, médecin-chef des Hôpitaux de Troyes au XIXe siècle et grand amateur de livres anciens de médecine. Sa collection a été léguée en 1875 à la Bibliothèque municipale de Troyes.
Ces livres se réfèrent tous à la théorie des « quatre humeurs ». Née dans l’Antiquité, cette théorie à l’origine simple, se complexifie au fil des siècles, chaque génération de médecins y ajoutant des raffinements.
Le corps humain sécrète selon ces savants « quatre humeurs » qui sont toutes reliées à des tempéraments ou à des traits de caractère. Le sang entraîne un comportement sanguin, impulsif et brutal. La bile jaune explique un caractère colérique. La bile noire est l’humeur de l’angoisse et de la mélancolie. Le phlegme, enfin, est sécrété par les personnes calmes, voire molles et apathiques !
La bonne santé résulte de l’équilibre de ces quatre humeurs. La maladie, au contraire, est le signe d’un déséquilibre : il faut dès lors évacuer les « humeurs » qui s’accumulent, car elles peuvent entraîner le pourrissement des organes si elles stagnent dans le corps ! On comprend dès lors les « traitements de choc » qui s’ensuivent et qui seront pratiqués jusqu’au début du XIXe siècle : la saignée pour les sanguins, la prise de bouillons souvent écoeurants pour les phlegmatiques, ou l’utilisation de certaines huiles étranges dont on se recouvre le corps.
De là viennent également certaines expressions de la langue française toujours actuelles : « avoir un coup de sang », « se faire de la bile », « être phlegmatique »,…
Certaines découvertes de la Renaissance remettent en cause la théorie des humeurs. On découvre par exemple que le cerveau ne s’écoule pas par le nez lors d’un rhume, ce qu’on attribuait à des humeurs viciées. Pourtant, les médecins de la Renaissance font tout leur possible pour intégrer toutes les nouvelles découvertes, notamment anatomiques, dans la théorie des quatre humeurs.
Quelques noms de la Renaissance sont restés célèbres : Ambroise Paré, mais aussi Carpi, Miguel Servet, poursuivi par l’Eglise pour ses dissections, Charles Etienne ou Salomon Alberti.
En pratiquant l’expérience et en tentant de rationaliser le savoir, ils ont ouvert la voie à la médecine moderne, sans pour autant renoncer à la théorie des quatre humeurs. La médecine de la Renaissance est ce moment de transition, s’éloignant du Moyen Age sans pour autant progresser dans tous les domaines. L’histoire de nombreuses avancées majeures ne s’écrira que dans les siècles suivants.
Etienne Naddeo
Médiathèque de Troyes Champagne Métropole
Comme toujours intéressant ! merci