Durant son séjour en Asie, Victor Collin de Plancy (1853-1922), alors premier représentant de la France en Corée, s’intéresse de près aux querelles politiques qui sévissent en extrême-orient à cette époque. Soucieux de conserver une trace de ces événements historiques, il collecte une centaine de cartes postales asiatiques illustrant des conflits armés contemporains. Parmi les divers ensembles de ce corpus, nombreuses sont les occurrences au conflit russo-japonais (1904-1905) qui oppose l’Empire Russe à l’Empire Japonais.
Méconnue, cette guerre n’en est pas moins annonciatrice des grands affrontements du début du 20e siècle, à savoir des conflits de courte durée avec pertes élevées s’achevant par des négociations financières et/ou territoriales. Dans le cas présent, on comptabilise environ 150.000 morts sur 2,5 millions d’hommes mobilisés durant les 1 an et demi d’offensive. La guerre s’achève par une victoire japonaise et la ratification du traité de Portsmouth rédigé à la fois en langue anglaise et française, signe de l’incidence internationale de ce conflit. Les japonais n’obtiennent alors aucune compensation financière mais sont autorisés à occuper d’anciennes places fortes russes, à savoir la péninsule du Liaodong en Chine qui leur permet de contrôler Port-Arthur – base navale et port de commerce – la moitié de l’île Sakhaline, et un droit d’accès au réseau ferré de la Mandchourie méridionale qui présente un accès stratégique en termes de ressources alimentaires et d’accès portuaire.
Comme en attestent ces cartes postales ci-dessus, les japonais présentent la guerre contre l’Empire Russe comme une nécessité et le moyen d’affirmer leur puissance militaire dans un contexte historique d’ouverture vers l’Occident et d’expansionnisme fort. D’abord réticent à la modernisation de leur société, les japonais compensent finalement la longue période d’isolationnisme (17e-19e) par l’émergence d’un nationalisme manifeste conduisant à vouloir se hisser au 1er rang de puissance mondiale en déclarant la guerre à des nations voisines.
Ces cartes postales éditées à partir du début du 20e sont donc essentiellement à destination d’un public occidental et ont vocation à diffuser la propagande politique japonaise. Dans le corpus sélectionné, on trouve des portraits de militaires nippons, des femmes instrumentalisées par le gouvernement japonais, des cartes attestant de la suprématie japonaise à compter de la seconde moitié de l’ère Meiji (1868-1912).
Notons également que cette guerre n’est pas le fruit du hasard. Les japonais convoitaient la Corée, qu’ils annexeront d’ailleurs en 1910, ainsi que des plateformes navales chinoises et certaines places commerciales alors sous domination russe afin d’assouvir leurs velléités expansionnistes. En 1905, l’Empire Russe prend conscience qu’il s’affaiblit et que la montée des contestations ne peut plus être considéré comme une révolte épisodique. Il cherche alors à renforcer son autorité à l’étranger, notamment en Mandchourie et à Port-Arthur de façon à assurer l’avenir commercial et agroalimentaire de la nation soviétique. Ces initiatives politiques menaçantes pour les pays limitrophes conduiront les japonais à déclarer la guerre à l’Empire russe, l’affaiblissant davantage et l’humiliant en détruisant la flotte adverse en seulement 1 an et demi.
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