La médiathèque Jacques-Chirac expose actuellement les travaux d’Emmanuel Fornage, spécialiste du papier découpé, autour de l’œuvre de la Comtesse de Ségur. A cette occasion, nous nous sommes intéressées aux différents illustrateurs qui, dans nos collections, ont mis en images l’univers si particulier de ces classiques de la littérature jeunesse.
L’œuvre de la Comtesse de Ségur est étroitement liée à l’histoire de la célèbre collection de la Bibliothèque rose, pour laquelle elle est initialement créée par Louis Hachette en 1853. Une vingtaine de ses romans y sont publiés entre 1857 et 1872. Ses histoires au charme suranné ont accompagné plusieurs générations d’enfants jusqu’à nos jours, et ont donné lieu à une multitude d’illustrations au fil du temps et des rééditions.
Responsable du choix de l’illustrateur, Hachette fait appel pour les éditions originales à de grands noms qui, chacun, sauront révéler par le dessin une des nombreuses facettes de l’œuvre de celle qui était surnommée « le Balzac des enfants ».
L’univers des Nouveaux contes de fées pour les petits enfants est ainsi superbement mis en images par Gustave Doré, tout jeune illustrateur en 1856 mais déjà artiste célèbre. Prépublié dans La Semaine des enfants, il en saisit dans son style unique l’univers merveilleux, l’innocence enfantine et la poésie des textes.
Illustrateur fécond, Albert Arnoux, plus connu sous le pseudonyme de Bertall, illustre quant à lui les deux premiers romans publiés chez Hachette (Les Petites filles modèles, et les Vacances). Il dépeint avec beaucoup d’élégance la bonne société du Second empire. Ses compositions opposent la plupart du temps des premiers plans dessinés avec finesse et des seconds plans très esquissés.
Un style très académique, qui se retrouve aussi chez Valentin Foulquier dans L’Auberge de l’ange-gardien.
Plus moralisateur, Horace Castelli n’hésite pas à dessiner des scènes tout en gesticulations, où le fracas des catastrophes déclenchées par les enfants n’a d’égal que la brutalité des châtiments corporels. Il illustre huit des romans de Sophie de Ségur, parmi lesquels Les mémoires d’un âne.
Emile Bayard, laisse quant à lui de formidables portraits des personnages, tel le général Dourakine dont la silhouette imposante a marqué les esprits de générations d’enfants.
Ces choix ne sont pas toujours du goût de l’autrice, qui affiche sa méfiance envers l’image… Sa correspondance avec la maison Hachette laisse transparaître son amertume de ne pas être consultée, et le sentiment de trahison de ses textes par des dessins dans lesquelles elle ne retrouve pas l’esprit qu’elle a voulu donner à ses histoires.
Les couvertures en couleur font leur apparition, et une seconde génération d’illustrateurs voit le jour avec le rajeunissement de la Bibliothèque rose, à la fin des années 20.
Dessinateur attitré des collections jeunesse chez Hachette, André Pécoud est naturellement sollicité. Son style très reconnaissable, tout en esquisses, influencé par le dessin de mode qu’il pratique également, saisit sur le vif un mouvement, une attitude, une silhouette, sans s’attarder sur les émotions des personnages. Il traduit la légèreté et l’insouciance de l’enfance des classes aisées dans lesquelles se déroulent les histoires qu’il illustre.
Parallèlement, le développement de l’album jeunesse, fait la part belle à l’image, qui devient prépondérante. Le champ de la création artistique s’en trouve élargi et nombreux sont les illustrateurs qui, dans les années 30 à 50, se lancent dans un travail de réinterprétation. Si la sévérité des principes d’éducation et la cruauté des punitions semblent déjà d’un autre temps, les illustrateurs se focalisent désormais sur l’intrépidité et la fantaisie des jeunes personnages, et l’insouciance de leurs jeux d’enfants. Parmi ceux présents dans nos collections, citons entre autres :
Marie-Madeleine Franc-Nohain, qui revisite Les Malheurs de Sophie de son trait tendre et délicat, empreint d’une naïveté dépourvue de mièvrerie.
Etienne Le Rallic, qui prête son trait minutieux et rigoureux de dessinateur BD à l’illustration des Mémoires d’un âne.
Guy Sabran, qui travaille sur les rééditions des titres emblématiques dans la Collection Rouge et or.
Emmanuel Coccard, qui s’empare avec humour des frasques du petit Charlot, menant la vie dure à la veuve Mac’Miche dans Un bon petit diable.
Ou encore Marie-Thérèse Jallon, qui signe Mateja, et transpose dans un univers gai et coloré L’auberge de l’ange gardien.
Un panorama non exhaustif, tant ce phénomène d’édition devenu mythe littéraire, a connu de lectures et d’avatars. Aujourd’hui, près de 150 ans après leur parution initiale, les livres de Sophie de Ségur continuent d’être réédités et constituent encore, pour de nombreux illustrateurs, une grande source d’inspiration.
merci pour ces souvenirs que vous réveillez !
que d’heures passionnantes passées à découvrir ces livres , les lire et relire !
j’ai eu le plaisir de les avoir dans la collection de chez Hachette, mais aussi de les lire
dans une collection prestigieuse, prêtés par des amis! quelle confiance me faisaient -ils!
Je regardais avec émerveillement ces ouvrages rouges et or soigneusement rangés dans une
bibliothèque!
le début de ma passion pour les livres!
Merci de vos retours enthousiastes !
J’ai beaucoup aimé cet article sur les illustrations de la comtesse de Ségur, un des écrivains de mon enfance.
Comme toujours un réel plaisir de lire ces articles !
Merci pour cette (re)découverte de l’illustration et de ses illustrateurs chez Hachette.
On note beaucoup de différences de point de vue et de style selon les artistes choisis et en cela c’est très intéressant.