Les collections de la Médiathèque de Troyes Champagne Métropole contiennent quelques livres anciens qui nous enseignent comment reconnaître une sorcière ou identifier des maléfices, autant de savoirs bien utiles en cette période de l’année.
Les inquisiteurs se sont souvent lancés dans une description précise de la sorcellerie, des sorcières et des sorciers. C’est le but de la plupart de leurs livres : permettre à des prêtres ou à d’autres fidèles de l’Eglise de pouvoir identifier les sortilèges et de reconnaître avec certitude les signes et les symptômes de la possession par le démon et de la dérive de l’esprit vers le mal ou le « Malin », en français de l’époque.
Comme dans une enquête classique, l’interrogatoire est un moment clé : la fameuse « question » a pour but de tirer des suspects des aveux ou des confessions de certains comportements qui prouveraient leur accointance avec la sorcellerie.
Le Malleus maleficarum contient donc logiquement des séries de questions que l’inquisiteur doit poser en respectant scrupuleusement l’ordre établi.
Si les aveux ne viennent pas par la simple question, celle-ci peut très bien s’accompagner de tortures : Jean Bodin cite par exemple la coutume de Mantoue ainsi que « tous les Docteurs » qui s’accordent selon lui à dire que la torture est nécessaire.
Elle peut cependant être évitée si une précédente condamnation témoigne de la sorcellerie : Bodin affirme que « si donc une Sorcière a esté condamnée comme Sorcière, elle sera tousjours réputée Sorcière : & par conséquent présumée coulpable de toutes les impiétez dont les Sorciers sont notez. » … Ou si la rumeur publique sert de preuve :
Il faut plutôt imaginer des personnages vêtus de costumes de la Renaissance et non du Moyen Age, mais le principe est bien le même que dans Sacré Graal des Monty Python. Jean Bodin nous l’explique : « Mais quand on veut s’arrester au bruit commun et à la renommée, il faut que le bruit ait commencé par gens dignes de foy, & non pas des ennemis. Cette limitation me semble nécessaire pour oster occasion aux meschans de calomnier les gens de bien : & n’est pas nécessaire que le bruit commun soit de la plus part du peuple, comme quelquesuns ont voulu. Car si la ville est grande, il suffit bien que le bruit soit de tous les voisins qui sçavent mieux la vie de leurs voisins que les autres plus esloignez. Et par ainsi, il suffira de vingt personnes, autant que font deux tourbes, pour prouver le bruit commun. »
L’idéal pour fonder l’accusation reste cependant de surprendre le sorcier ou la sorcière en flagrant délit de sorcellerie :
Pierre de Lancre décrit ainsi le comportement des sorciers lors du sabbat, rituel sataniste d’accouplement avec le démon qui leur permet par la suite de jeter des maléfices et des malédictions.
Fantasmes et peurs d’une société qui ignore beaucoup de phénomènes naturels ou physiques sont ainsi projetés sur des individus qui se sont écartés de la norme, par leur comportement, leur apparence ou leur mode de vie. Comme le montre une gravure du Dictionnaire infernal de Collin de Plancy au 19e siècle, les sorciers ne sont-ils pas souvent d’anciens brigands, plus ou moins éloignés de la règle commune ? La vie en communauté et ses obligations peuvent à cette époque difficilement être contournées sans subir de punitions violentes… et la chasse aux sorcières et aux sorciers n’a peut-être été finalement qu’une vaste recherche de boucs émissaires.
Ce pauvre Jacques Collin de Plancy , connut quelques déboires et fut parfois « jeté dans l ‘enfer des bibliothèques » …..parce que trop fan de tout ce qui était sorcellerie , démonologie! il se réconcilia ( si l’on peut dire) avec Dieu et la foi catholique après son séjour en Hollande.. « En 1841, il a rendu publique sa conversion, tout en déclarant condamner et fouler aux pieds tout ce qu’il a écrit contre la foi et les mœurs. Collin de Plancy en revenant en France, verra tous ses ouvrages afficher désormais l’approbation épiscopale »*….était-il vraiment de bonne foi???
* (WKP)
Merci de ces précisions sur le parcours spirituel un peu « chaotique » de Jacques Collin de Plancy. Son dictionnaire infernal est plein de gravures toutes plus effrayantes et saisissantes les unes que les autres, mais l’article « Sorcier » est étonnamment sobre. Une seule illustration qui fait le lien entre sorciers et anciens bandits, mais pas de scène de danse ou de maléfices. La gravure d’introduction au début du livre est en revanche très violente, nous avons même dû la recadrer pour ne pas montrer certains détails, notamment un banquet de cannibales !