Claude Debussy en 1911

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Par François Berquet | Le 22 juin 2018 | Collections patrimoniales

L’année Claude Debussy en 2018, qui commémore le centenaire de sa disparition, est l’occasion d’évoquer une de ses compositions musicales, Le martyre de Saint Sébastien, mystère en cinq actes, avec un livret en français de l’écrivain italien Gabriele D’Annunzio. La première représentation eut lieu le 22 mai 1911 au Théâtre du Châtelet à Paris. Le rôle du saint fut tenu par la danseuse Ida Rubinstein, vedette des Ballets russes de Serge Diaghilev. Attendu par le tout Paris des arts et de la musique, l’oeuvre rencontre un succès mitigé, après avoir essuyé un échec public et critique lors de sa création. Si la musique de Debussy fut appréciée, la prestation d’Ida Rubinstein, grande danseuse mais piètre tragédienne, fut critiquée, de même que le style archaïsant et déclamatoire du texte de D’Annunzio. Le fait que le rôle du saint soit confié à une femme choqua l’opinion et valut même à l’oeuvre un interdit de l’archevêque de Paris.

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La Médiathèque de Troyes conserve des archives littéraires concernant Gabriele D’Annunzio, provenant de son premier traducteur français, Georges Hérelle (1848-1935). Ceux-ci se rencontrèrent dans les années 1890 et échangèrent une abondante correspondance encore conservée dans le fonds des manuscrits. Les lettres et télégrammes envoyés en 1910 et 1911 révèlent les inquiétudes de D’Annunzio, qui demande en particulier à son ami de relire les épreuves de son texte.

En atteste ce passage épistolaire (Lettre de D’Annunzio à Hérelle, 20 avril 1911)

« Au nom du ciel, mon cher ami ! Et au nom, aussi des spectateurs du Châtelet !

Mon Mystère n’est pas écrit en vieux langage. Un morceau du Mystère de saint Sébastien  joué au XVIe siècle, mis au commencement en guise d’épigraphe, vous a trompé.

J’ai écrit mon poème en langue « synoptique ( !) », selon le mot de Léon Blum; c’est-à-dire que j’ai taché de fondre, dans le feu du style, tous les éléments. Mais -comme vous verrez – la « pâte » est moderne ; et vous pourrez parfaitement la juger.

Je vous ai envoyé mon œuvre non sans une profonde émotion affectueuse. Il me semble qu’elle est près de vous plus que de tout autre ; puisque, selon la signification latine et dantesque de la parole, vous êtes mon « auteur ».

Je vous prie donc de la lire et d’indiquer en marge vos observations, très franchement, ayant à vos côtés le démon de Louis Ganderax [journaliste critique littéraire].

Je vous serais très reconnaissant si vous pouviez me renvoyer les placards au fur et à mesure que vous les aurez examinés… »

[Manuscrit 3152, pièce 338]

Pour retrouver l’oeuvre sur le site Gallica de la BnF:

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k88020072.media

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