Instant poésie # 2 : Bibo a du coeur

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Par Géraldine Roux | Le 14 juin 2016 | Billets invités | Manuscrits et incunables

Lors d’une visite du fond  ancien de la Médiathèque, François Berquet m’a montré un manuscrit du XIIe siècle avec de belles illustrations, faites par l’auteur lui-même : le De avibus d’Hugues de Fouilloy.

Hugues de Fouilloy était Prieur de Saint-Laurent-au-Bois, apprécié par Bernard de Clairvaux lui-même. Prônant l’humilité, il a écrit ce traité pour des moines, érudits ou non. C’est là la force de cette œuvre : s’adresser à tous au moyen d’une exégèse simple et d’illustrations frappant les esprits. S’inspirant de la tradition du Haut Moyen-âge, il considère l’animal comme un miroir de nos âmes et sert d’illustration morale de nos vertus et turpitudes. Hugues de Fouilloy utilise les oiseaux à cet effet. Si la huppe, dans le poème persan du XIIe siècle le Cantique des oiseaux, guide les oiseaux sur leur chemin spirituel, où tous ont des qualités et des défauts à travailler, dans le bestiaire moral qu’est le De avibus, les oiseaux ne symbolisent pas des caractères humains mais des qualités à développer ou à fuir. Tel est le cas du hibou où nous pouvons lire sous l’illustration: « Hibou. Malheureux hibou. Homme pêcheur ». Son cri funèbre, son antre supposée désordonnée, sa léthargie diurne et son activité nocturne font de lui l’oiseau de nuit symbolisant « ceux qui sont voués aux ténèbres du pêché », affirme Isidore de Séville (VIIe siècle). La chouette ulula pleure et bibo le hibou est voué au tombeau. Le hibou doit être fui comme le pêché, raison pour laquelle il est attaqué par les autres oiseaux et qu’il nous repousse. D’ailleurs…

« Quoi quoi quoi, qu’est-ce que j’entends ? »

De Avibus. Hugues de Fouilloy. Clairvaux, 1170. Cote Ms 177. Médiathèque du Grand Troyes. Photo: P.Jacquinot

De Avibus. Hugues de Fouilloy. Clairvaux, 1170. Cote Ms 177. Médiathèque du Grand Troyes. Photo: P.Jacquinot

De retour de la médiathèque, tout à mes réflexions sur cet oiseau, la nuit est tombée et depuis un arbre de la vallée suisse on m’interpelle…

Deux grand yeux jaunes me regardent fixement… c’est le hibou !

« Je suis un peu las de ces simagrées et de ces images toutes faites, me dit-il. Oui, j’ai l’air sérieux, un peu trop. Un regard froncé et les ailes déployées au cœur de la nuit ont mis plus d’un en fuite. Savez-vous que mon envergure fait le triple de ma taille quand je me déploie ? On m’a cloué sur des portes au Moyen-âge et, parfois, je vois encore des gens se signer quand ils m’aperçoivent. Peu importe. Approchez-vous si vous l’osez. Oui, vous là, approchez. J’ai de grands yeux perçants mais je ne mords pas… Venez… Je vais vous raconter une histoire, celle du hibou qui a pris sous son aile un louveteau orphelin. Le pauvre petit avait perdu sa mère d’une balle de fusil. Ça arrive. Je l’ai apprivoisé et lui ai appris tout ce que je sais. C’est là mon grand cœur, Cœur de hibou, et toute ma sagesse. Voulez-vous la connaître ? On essaie d’apprivoiser ce qui nous fait peur. C’est chouette, non ? »

Et il s’envole.

Géraldine Roux

Bibliographie

Hugues de Fouilloy, De avibus

Isidore de Séville, Etymologiarum, P.L. t. XXXVIII, 1850, Libri XII, Cap. VII, col. 464, 38-39.

« Le convers et les oiseaux. Monde animal, morale et milieu monastique : le De avibus d’Hugues de Fouilloy (XIIe siècle) », Jacques Berlioz et Remy Cordonnier in Homme-Animal, histoire d’un face à face, éditions des musées de Strasbourg / Editions Adam Biro, p. 72-81.

Cœur de hibou, Isabelle Wlodarczyk, Anne-Lise Boutin, éditions Rue du Monde, coll. « Pas comme les autres », 2013. A partir de 5 ans.

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1 Commentaire

  1. genevieve roux

    quelle belle histoire que je vais raconté à Edene et $*

    quelle belle histoire que je vais m’empresser deraconter à Edene et killiam et à toute la classe. Emouvante, sensible ce hibou qui m’a toujours fait battre le coeur et qui s’esprime, là avec bonté, delicatesse avec une envergure digne de sa beauté interieure et exterieure. Je t’aime « hibou » et j’aime t’endrela nuit, lorsque tout est tranqiuille, voir inquietant, ton cri me rassure . J’aime ce texte, merci Geraldine de nous le faire découvrir

    killiam

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