Vie et tensions religieuses à la fin du XIXe et au début du XXe siècle

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À la suite de cette présentation abrégée, un document plus complet peut servir de piste d’exploitation pédagogique.

La médiathèque de Troyes conserve dans ses collections un certain nombre d’opuscules témoignant des passions religieuses qui animent la ville de Troyes, à l’instar du reste de la France, dans les décennies du tournant du XXe siècle.

« De la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV à la déchristianisation de l’an II, de la mise à mort des prêtres réfractaires au retour en force de l’Église sous les Bourbons restaurés, du refus de Pie IX à concéder si peu que ce soit à l’évolution des temps aux fureurs anticléricales du parti républicain sous l’Empire, des prêtres fusillés par les communards battant en retraite aux pèlerinages ostentatoires de l’Ordre moral, de la collusion entre l’épiscopat et la réaction sous Mac-Mahon à l’anticléricalisme de combat sous Émile Combes, la société française est divisée en profondeur par la question religieuse -ligne de partage fondatrice entre la culture de droite et la culture de gauche, antagonisme récurrent que la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État finit par atténuer, mais sans en éteindre complètement le feu. » (Michel Winock, La fièvre hexagonale, Paris, 1986)

Tous les documents sont disponibles dans leur version numérisée et intégrale sur le site patrimonial de la médiathèque : https://portail.mediatheque-jacques-chirac.fr. Ce dossier a été rédige par le service éducatif de la médiathèque de Troyes.

Amende honorable de la France au Très-Saint Sacrement, faite en l'église Saint-Urbain de Troyes (cote : cl.8.13487)

France très chrétienne contre la Commune de Paris

L’épisode révolutionnaire de la Commune de Paris (mars-mai 1871) constitue pour la France catholique, en dépit de sa brièveté (moins de deux mois), un traumatisme qui impose une vive réaction morale : « L’esprit de sacrifice fera de nous des chevaliers chrétiens » proclame une Amende honorable de la France au Très-Saint Sacrement, faite en l’église Saint-Urbain de Troyes au début des années 1870 (la date précise est inconnue).

La Commune de Paris se caractérise en effet par une véritable explosion « déchristianisatrice » que constate avec effroi le texte : la France a été « rebelle » à la loi divine, « l’homme, cendre vivante, osa nier votre divinité ». Le 2 avril, les communards décrètent la séparation de l’Église et de l’État, « considérant que le premier des principes de la République française est la liberté [], que le clergé a été le complice des crimes de la monarchie contre la liberté ».

Aux yeux du petit peuple parisien, l’Église est dans le camp des riches.

Sur le plan politique, l’élection en 1873 de Mac-Mahon comme président de la République, en remplacement de Thiers démissionnaire, incarne la victoire de l’« Ordre moral », fondé notamment sur le maintien du conservatisme social, et le respect des valeurs religieuses. Dans la société, des associations et groupes de prière se développent et s’organisent.

Cette religiosité, qui fait un appel privilégié à la sensibilité et au sentiment, est largement l’affaire des femmes qui sont aux premières lignes de la stratégie de la lutte cléricale contre la sécularisation d’une société en plein bouleversement (industrialisation, urbanisation).

 

La loi de séparation de l’Église et de l’État

La brochure ci-contre se fait fort de démontrer le danger que constituerait la séparation de l’Église et de l’État dont le projet de loi est en discussion au moment de sa rédaction en 1905. Elle fait référence de façon insistante au Concordat, texte signé entre Napoléon Bonaparte et Pie VII en 1801. Pour le Premier Consul et le pape, il s’agit en ce début de XIXe siècle de trouver un terrain d’entente pour sortir de la crise révolutionnaire.

Dans les années 1870-1880, le budget des cultes tourne autour de 55 millions de francs, destinés essentiellement à l’entretien des édifices et à la rémunération des membres du clergé. La direction des cultes est rattachée tantôt à au ministère de l’Intérieur, tantôt à l’Instruction publique. Par le personnel de son ressort (plus de 50 000 personnes, très majoritairement membres du clergé catholique, mais aussi pasteurs -protestants-, et rabbins -juifs-), il est l’un des principaux ministères civils. Les Républicains espèrent, par une application vigilante du Concordat, garder en main le clergé séculier qu’ils pensent pouvoir détourner des idées ultramontaines et contre-révolutionnaires.

Un enchaînement de tensions entre la France et le Vatican aboutit en 1905 à la rupture unilatérale du Concordat par la France avec le vote de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Mais il ne s’agit pas d’une « loi Combes ». Celui-ci ayant été renversé en janvier 1905, un plus grand nombre de députés se rallie à l’idée d’une loi dépourvue de sectarisme. Le projet d’Aristide Briand se veut une loi de neutralité, et il est adopté en décembre. Cette loi de séparation proclame l’entière liberté des cultes, mais la République n’en reconnaît et n’en salarie désormais aucun. Les biens des églises, devenus propriété de l’Etat, doivent être, après inventaire, dévolus à des associations cultuelles. Il n’est aucunement question de confisquer les biens ecclésiastiques : les inventaires sont décidés dans le but que l’Eglise puisse se rendre compte qu’on ne lui dérobe rien.

Un pèlerinage catholique au début du XXe siècle : Lourdes

Les extraits de ces Souvenirs d’un pèlerinage diocésain à Lourdes en 1907 permettent de montrer comment se déroule un grand pèlerinage catholique au début du XXe siècle.

La pratique du pèlerinage contribue grandement à l’uniformisation de l’espace religieux au cours du XIXe siècle. Au milieu du XIXe siècle, Ars est le premier pèlerinage français, accueillant quelque 60 à 80 000 pèlerins venant en chemin de fer, par bateau à vapeur et par voitures attelées, d’une large zone d’influence  autour de Lyon (de la Bourgogne au Midi provençal) et de la capitale.

Lourdes est une petite ville des Hautes-Pyrénées. Dans les années 1850, la famille des Soubirous vivent dans l’un des lieux les plus misérables de la ville : l’ancien cachot municipal, loué habituellement aux travailleurs migrants saisonniers. Le père et la mère trouvent à s’employer à la journée. La première apparition dans la grotte de Massabielle se déroule le 11 février 1858 alors que Bernadette, âgée de 14 ans, est de sortie avec sa sœur et une amie pour la corvée de ramassage de bois. Les apparitions se succèdent et, avec elles, grossit la foule des curieux. Les transformations du lieu des apparitions en sanctuaire de pèlerinage commencent avant même la fin des apparitions. Le jour-même de la découverte de la source, sur les indications de la Vierge, des croyants se mettent à boire de son eau et à en remplir des bouteilles. Les premières rumeurs de guérison se répandent.

En 1894, Émile Zola publie Lourdes, première analyse laïque du phénomène des « miracles de guérison », après avoir suivi le pèlerinage national de 1892. L’écrivain reconnaît qu’il « a été frappé, stupéfié par le spectacle de ce monde de croyants illuminés et qu’il y aurait de belles choses à écrire sur ce renouveau de la foi. »

Bibliographie

  • Gisèle et Serge BERNSTEIN, La Troisième République : les noms, les thèmes, les lieux, Paris, 1987.
  • Elisabeth CLAVERIE, Le monde de Lourdes, Paris, 2008. Cote médiathèque : 263 CLAV.
  • La laïcité 1905-2005, Textes et documents pour la classe n°903, SCEREN, 1er novembre 2005.
  • Jacques LE GOFF et René REMOND (dir.), Histoire de la France religieuse, tomes 3 et 4, Paris, 1991-1992. Cote médiathèque : 274 HIST T.4.
  • Jean-Marie MAYEUR, Les débuts de la IIIe République, Paris, 1973.
  • Jacques ROUGERIE, Paris insurgé, la Commune de 1871, Paris, 1995. Cote médiathèque : 944.081 2 MAYE.
  • Emile ZOLA, Lourdes, 1894. Cote médiathèque : L 840 ZOLA.