Rassurez-vous, si vous avez l’impression de perdre le nord à la vue de ces cartes datées du 16e siècle, ni vos sens, ni votre santé mentale ne sont en cause…
S’il suffit en effet de suivre l’étoile polaire, ou d’observer la position du soleil pour déterminer les quatre directions cardinales et se repérer dans l’espace, rien ne justifie la position de ces points sur une carte. Et de fait, le nord n’a pas toujours été placé en haut des cartes.
Les premières cartes qui nous sont parvenues cherchent surtout à schématiser des réseaux de routes. La Table de Peutinger copiée au 13e s., mais datée de l’Antiquité romaine, se compose de onze parchemins assemblés pour former une bande de 6.82 mètres. Le document sert alors d’itinéraire entre plusieurs villes de l’Empire romain, et se présente de façon linéaire. Il reconstitue près de 200 000 km de routes, depuis les îles britanniques jusqu’au Proche-Orient et à l’Inde.
Si la représentation physique des territoires n’est pas respectée (ni l’échelle, ni l’orientation géographique ne sont prises en compte), les distances entre les 555 villes qu’il comporte sont calculées avec précision, permettant à l’utilisateur d’organiser un voyage avec ses principales étapes.
La représentation du monde connu au Moyen Age est moins physique que spirituelle. Souvent dessinées sous forme de sphère schématisant les trois continents connus à l’époque, les cartes « Orientis Supra » placent alors l’Asie en haut, l’Europe en bas à gauche, et l’Afrique en bas à droite. L’Orient indiquant la direction du soleil levant, où le christianisme situe le Jardin d’Eden : on « s’oriente » donc en fonction de cette référence religieuse placée en position supérieure.
Il faut attendre la Renaissance, l’exploration des mers et les grandes explorations pour voir le monde dessiné avec une plus grande précision. Les cartographes prennent alors pour référence l’ouvrage de Claude Ptolémée, La Géographie, écrit 14 siècles plus tôt, qui pose l’équateur comme base de la latitude, et place le nord en haut des cartes. Ce même nord qui sert de référence aux désormais nombreux navigateurs, et à l’aiguille aimantée de leur boussole.
Parmi eux, Gérard Mercator, mathématicien et géographe flamand, met au point la projection qui porte son nom. En 1569, il publie la première grande carte du monde à l’usage des navigateurs. Afin de représenter la surface sphérique de la Terre sur une carte plane, et de positionner les pays sur un quadrillage de longitudes et latitudes, il applique la courbure de la terre à même la carte.
Cette carte reste aujourd’hui la référence dans notre représentation mentale du monde. Mais elle place les pays de l’hémisphère nord dans une position hégémonique discutée, notamment par l’Australie.
Dans les années 1970, le cartographe australien Stuart McArthur a l’idée de faire une carte dite « inversée » figurant l’Australie, donc le sud, en haut. Cette carte, qui a connu un grand succès dans les pays de l’hémisphère sud, modifie de façon radicale notre vision du monde tout en le représentant de façon tout aussi juste.
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