Arsenic et vieux livres

Par Caroline Maire | Le 24 janvier 2025 | Que font les bibliothécaires ?

L’histoire semble digne des meilleurs romans policiers, mais le sujet est pourtant très sérieux.

Comme de nombreuses bibliothèques en France et dans le monde, la médiathèque Jacques-Chirac a identifié dans ses collections anciennes une vingtaine de livres dont les reliures sont potentiellement dangereuses. Leur point commun ? Ces livres ont été fabriqués au 19e siècle et leur couverture est d’un beau vert émeraude. Une couleur à l’époque très en vogue en Allemagne et dans les pays anglo-saxons, utilisée dans de nombreux domaines comme la mode (pour teinter les tissus des robes ou des gants) ou la décoration (dans la peinture ou les papiers peints).

Baptisé « Vert de Paris », ce pigment est obtenu à partir d’un mélange de potassium, de cuivre… et d’arsenic. Des artistes comme Cézanne ou Van Gogh ( ici dans son Autoportrait dédié à Paul Gauguin ), l’ont employé en préparant souvent leur propre mélange. Dans le domaine du livre, il a servi dans la teinture ou la décoration des reliures, permettant de créer de somptueux cartonnages d’art.

Parfois, comme dans les images ci-dessous, le vert de Paris a pu servir dans les illustrations intérieures.

Si les doses utilisées dans les livres sont aujourd’hui trop faibles pour être létales, leur toxicité est pourtant bien réelle et susceptible de provoquer démangeaisons, problèmes respiratoires, nausées…

Par précaution, les livres conservés dans les magasins de la médiathèque ont été retirés des étagères et provisoirement mis en quarantaine. Ils rejoindront prochainement le laboratoire de la Bibliothèque nationale de France, pour une analyse destinée à confirmer ou non la présence d’arsenic.

S’ils s’avèrent effectivement en contenir, ils seront répertoriés à l’échelle mondiale sur une liste établie par le laboratoire de conservation de la bibliothèque du Winterthur Museum, dans le Delaware. Le Poison Book Project a pour ambition de localiser et de sécuriser tous ces volumes, afin d’éviter de mettre en danger les bibliothécaires et chercheurs qui souhaiteraient les consulter. Il a à ce jour recensé 266 livres pour lesquels des précautions particulières doivent être prises lors de la consultation ou la manipulation. L’enquête se poursuit…

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