Du balai !

Par Anne-Charlotte Pivot | Le 24 février 2023 | Imprimés

Nous connaissons tous Eugène Poubelle qui a donné son patronyme à l’objet du même nom, le préfet Haussmann à l’origine de l’agrandissement des rues ou encore Louis Pasteur, célèbre médecin découvreur de l’impact des microbes dans le développement des troubles infectieux. Mais connaissez-vous vraiment l’histoire de l’hygiénisme en France ?

À compter de la seconde moitié du 18e siècle, grand nombre de médecins alertent sur l’insalubrité des villes et des campagnes et préconisent l’adoption de mesures d’hygiène afin de limiter l’explosion des foyers infectieux dans les grandes agglomérations : c’est le début de ce que l’on appellera ensuite « l’hygiénisme ». Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Outre des conseils sur la gestion des eaux, des habitations et des espaces publics, les théories hygiénistes veillent à préserver la salubrité publique, c’est-à-dire l’hygiène collective.

Dans les collections de la médiathèque, le fonds du médecin troyen Carteron regorge d’ouvrages sur l’hygiène publique. Parmi les études les plus générales, citons le Traité de la salubrité dans les grandes villes (1846) de J.-B. Baillière qui défend la nécessité de soumettre les villes à une police sanitaire afin de les rendre habitables.

Dans les grandes villes […] tous les genres d’infection sont accumulés dans leur enceinte ou dans leurs alentours. [Elles] ne seraient pas habitables si elles n’étaient pas soumises à une police sanitaire !

J.-B. Baillière, Traité de la salubrité dans les grandes villes, p. 34. (Cote : Cab.cart.méd. n°254)

Pour illustrer son propos, il donne des exemples de consignes à suivre pour limiter l’insalubrité urbaine dans l’espace public :

  • Pour l’hygiène des rues et des places publiques
  • Pour l’hygiène des cimetières
  • Pour limiter la propagation des microbes

Ainsi, l’hygiène urbaine concerne tous les espaces collectifs (rues, cimetières, boutiques, toilettes publiques…). Elle est à la fois l’affaire des autorités et des populations car tout manquement pourrait avoir des conséquences fatales pour les habitants. Toutefois, les théories hygiénistes ne s’appliquent pas seulement aux villes. Courant 19e siècle, les médecins s’alarment sur l’insalubrité des campagnes, notamment en ce qui concerne la gestion des eaux.

En effet, dans son Traité d’hygiène publique (1812), Marie Tourtelle décrit les moyens de salubrité relatifs aux habitations, qu’elles soient urbaines ou rurales. Elle donne ainsi quelques conseils pour limiter l’insalubrité des campagnes et celle des villes, ainsi que sur la gestion et la prévention des maladies contagieuses.

Pour prévenir les maladies contagieuses, il [convient de] dessécher les marais, fertiliser la terre, construire des habitations commodes et saines, entretenir la salubrité dans les campagnes, les villes, les camps.

Marie Tourtelle, Traite d’hygiène publique, p. 205. (Cote : cab.cart.méd. n°250).

On retrouve exactement les mêmes conseils dans l’ouvrage De l’influence de l’eau potable sur la santé publique (1884) du docteur en médecine H. Michel qui étudie les risques sanitaires liés à l’eau à partir de l’exemple de la ville de Chaumont (Haute-Marne) qu’il considère comme un ancien foyer épidémique (fièvres typhoïdes). Selon lui, l’eau est un moyen de transmission de maladies épidémiques avéré mais la prise de conscience de l’existence des germes n’est pas suffisante. Il est nécessaire de remédier à ce qu’il appelle le « grand désordre hygiénique » dans son avant-propos.

Au 19e siècle cependant, l’attention portée à l’hygiène urbaine ne se limite pas à l’Europe. De nombreux traités internationaux visant à limiter la transmission des épidémies à l’échelle de la planète voient le jour. Cela s’explique par le fait que de plus en plus d’européens sont invités à se déplacer dans des zones à risque pour des questions d’ordre professionnel. L’Essai sur l’hygiène internationale et ses applications contre la peste, la fièvre jaune et le choléra asiatique (1873) d’Adrien Proust nous indique les raisons pour lesquelles l’hygiène internationale devient un véritable sujet de préoccupation durant cette période. Outre la nécessité de limiter la propagation des maladies avec des règles d’hygiène de base, il évoque l’importance de la connaissance des modes de transmission en cas de maladies difficilement évitables comme la dengue et prône l’efficacité de la mise en quarantaine, le contrôle des marchandises, l’évaluation de la qualité de l’air à titre préventif pour éviter l’arrivée d’épidémies compliquées à « éradiquer ».

Mais au-delà des questions d’hygiène publique qui concernent l’ensemble des populations, c’est également l’hygiène privée qui se développe considérablement à partir de la seconde moitié du 19e siècle. En particulier l’hygiène du corps (propreté, esthétique, maquillage) et des espaces intérieurs (hygiène domestique, prévention sanitaire, qualité de l’eau et de l’air dans les habitations) qui façonnent de nouvelles normes d’hygiène essentiellement adressées aux femmes et aux enfants.

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2 Commentaires

  1. martine demessemacker

    Très intéressant le sujet de cette nouvelle publication dans votre rubrique 11 KM de patrimoine que j’apprécie beaucoup.
    bien cordialement.

    Réponse
  2. mendak noble danièle

    « De l’influence de l’eau potable sur la santé publique (1884) du docteur en médecine H. Michel qui étudie les risques sanitaires liés à l’eau »…..voici un traité qui mérite plus que jamais d’être lu ..l »actualité et notamment dans notre département actuellement nous rappelle combien nous devons être vigilants pour préserver nos sources !
    merci pour cette publication très à propos!

    Réponse

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