En parcourant le fonds ancien de la Médiathèque du Grand Troyes, j’ai découvert Histoire des oiseaux, peints dans tous leurs aspects apparens et sensibles. Cet ouvrage d’ornithologie, publié en 1790, est illustré de très belles planches gravées et coloriées à la main par François-Nicolas Martinet, « Ingénieur, Dessinateur et Graveur du Cabinet du Roi ». Dans cette « histoire », pas seulement zoologique mais présentant le caractère des oiseaux à la manière des Caractères de La Bruyère, j’ai été attirée par les illustrations d’un oiseau pas comme les autres : la huppe. Et je transcris dans ces quelques lignes les rêveries qu’elle m’a livrées.
Quel drôle d’oiseau je suis. J’adore voyager, c’est mon activité favorite. Je vole, je virevolte et j’entraîne tous mes amis avec moi. Ah oui je précise, tous ceux qui veulent faire le voyage au pays de la joie. On m’a donné plein de noms au cours des âges. Le volatile agile, la crête rousse, la belle navigante… je dirige les navires vers leur cap, je leur sers de boussole, tout droit vers le cap de Bonne Espérance. C’est ce que vous cherchez tous : la boussole de l’humeur. Je sens la colère, ma crête rougit, la tristesse et elle s’affaisse sur elle-même, la joie… ah enfin, on est sur la bonne voie. Tout pétille en moi et je ne peux pas tenir en place. Quelques vers de terre frétillants pour nourriture. Miam, je m’envole tout droit vers les lointains pays, de Madagascar jusqu’en Chine.
Oui, ce dessin qui me représente…
Je suis là pour vous faire rêver. Je guide les âmes vagabondes sur leur chemin de vie. Un grand poète a raconté mon histoire. Farîd al-dîn ‘Attâr est le nom de ce poète persan du XIIe siècle. Je suis l’héroïne de son poème Le Cantique des oiseaux. Les oiseaux ont décidé de partir à la recherche de Sîmorgh, l’esprit divin, le roi des oiseaux. Ils entament un long voyage plein d’embûches, vers l’Orient dans leur migration géographique, et au fond de leur cœur dans leur voyage intérieur. Et c’est moi leur guide. Bien sûr, avec ma bonne humeur je leur donne courage. Je les houspille au besoin quand ils perdent courage, je leur indique la direction quand ils sont désorientés et surtout je leur raconte des histoires.
Figurez-vous, je suis la messagère de Salomon, ce grand roi des hommes à la sagesse proverbiale. Pourquoi était-il si sage ? Parce qu’il parlait la langue des oiseaux. Celle des contes, des légendes, qui parle le langage du cœur. Sans rime ni raison. La langue des enfants qui savent que tout est possible. C’est la langue de ceux qui croient en leurs rêves.
Alors suivez-moi si vous aussi vous entendez l’appel de Sîmorgh. Peut-être pourrons-nous trouver ensemble ce roi qui habite dans le cœur de chacun. Et hop, en route pour l’aventure !
Géraldine Roux
Bibliographie :
Farîd al-dîn ‘Attâr, Le Cantique des oiseaux, traduction versifiée de Leili Anvar, éditions Diane de Selliers, 2012
Texte et planches gravées ci-dessous extraits de Histoire des oiseaux, peints dans tous leurs aspects apparens et sensibles, par F.-N. Martinet, 1790
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