Monsieur Antoine, garçon de bibliothèque en 1850

Accueil = En coulisses = Que font les bibliothécaires ? = Monsieur Antoine, garçon de bibliothèque en 1850

Par Anne-Charlotte Pivot | Le 24 juin 2022 | Que font les bibliothécaires ?

Des professions insolites, beaucoup sont parvenues jusqu’à nous. Mais saviez-vous qu’au 19e siècle certaines bibliothèques faisaient appel à des « garçons de service » ? Chargés de la sécurité des personnes et des collections, les garçons de bibliothèque faisaient office de vigiles. Ils veillaient à ce que l’établissement ouvre et ferme aux horaires prévus, au recueil des objets interdits dans l’enceinte de la bibliothèque (parapluies, portes-feuilles, sacs, armes), à la bonne utilisation des différents espaces et à la bonne consultation des documents (dégradations, tentatives de vols…).

Dans les archives des bibliothèques, grand nombre de garçons de service ont sombré dans l’oubli. Bien souvent, on ne sait rien de leur vie privée si ce n’est que leur état civil parvient quelque fois jusqu’à nous. La bibliothèque de Troyes fait figure d’exception en la matière. L’un de ses garçons de bibliothèque est entré dans « l’histoire locale » en raison de son implication dans une sordide histoire de vol de documents anciens, rares et précieux.

Il y a quelques semaines, en effet, nous évoquions l’affaire Harmand. L’histoire d’un ancien conservateur de la bibliothèque de Troyes inculpé pour escroquerie, vol, dégradation des collections dans le cadre de ses fonctions. Si notre monsieur Antoine ne comparaissait pas en tant que coupable, son témoignage lors du procès Harmand est une source inédite. On y apprend qu’il s’agit d’un ancien cheminot, qu’il sait à peine lire et écrire, qu’il est marié et que son épouse a également témoignée dans le cadre de cette instruction.

Quel est l’intérêt de ce document d’archive ? En consignant les témoignages des divers protagonistes en lien avec l’affaire, ce procès verbal nous apporte des informations cruciales sur des « anonymes » de l’histoire, ceux dont on ne parle jamais. L’historien Alain Corbin avait notamment démontré la difficulté de retracer la vie des gens « ordinaires » avant la seconde moitié du 20e siècle dans son ouvrage Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot: sur les traces d’un inconnu, 1798-1876.

Si l’on en revient à monsieur Antoine, la cour d’assise le présente comme « l’ancien concierge de la bibliothèque ». Son prénom n’est pas cité, son âge non plus. Il n’est auditionné qu’en qualité de témoin et les informations qui nous sont parvenues concernent essentiellement son activité professionnelle. On apprend donc qu’il est entré au service de la municipalité en 1851, qu’il a été démis de ses fonctions par Auguste Harmand en personne, qu’il connaissait les agissements de son supérieur hiérarchique depuis 1868 et qu’il avait déjà alerté plusieurs fois les autorités locales.

Grâce à la retranscription de ce procès, on obtient également des informations sur son épouse, âgée de 46 ans lors de l’instruction en 1873. On apprend que son nom de naissance est Aurélie Marchand et qu’elle confirme les dires de son époux. Les autres témoins auditionnés sont presque tous des inconnus, ce sont des marchands, des libraires, des hommes de lettres. Ce type de source est donc extrêmement précieux pour les historiens et professionnels des bibliothèques qui cherchent à retracer l’histoire de leur établissement depuis leur création.

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet ? L’exposition La médiathèque par ceux qui l’on faite qui sera inaugurée au moment des journées du patrimoine 2022 vous informera sur l’histoire des agents, des élus, des publics de la bibliothèque de Troyes du 19e à nos jours.

Articles similaires

3 Commentaires

  1. Archive81

    Merci pour cet article, plus qu’intéressant, concernant les personnes travaillant dans l’ombre du service public.

    Cela me fait penser à l’actuelle cité du vitrail de l’Hôtel Dieu le Comte de Troyes, où la restauration du lieu a permis de retrouver le nom de certains « garçons » maîtres d’ouvrages ou jeunes médecins gravés sur la pierre, en la mémoire de leur passage.

    Réponse
  2. L’acariendu10

    Mais que dire des garçons de café, d’écuries, des garçons chirurgiens ou encore des garçons d’honneur ?

    Réponse
  3. koo chang sung

    article très intéressant comme toujours….. comme tout ce qu’écrit Anne-Charlotte Pivot…. A bientôt pour un nouvel article passionnant !

    Réponse

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.