Plantes de sorcières #2 : La Mandragore

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Par Anne-Charlotte Pivot | Le 10 mars 2023 | Imprimés

Herbe de Circé, main-de-gloire, pomme d’amour, nombreux sont les noms désignant la mandragore, cette plante énigmatique potentiellement toxique que l’on trouve essentiellement dans le nord de l’Afrique et au Proche-Orient.

Souvent représentée sous une apparence humaine du fait de la longueur de ses racines et de la forme de son tronc (anthropomorphisme), la mandragore a longtemps fait l’objet de mythes. On raconte notamment qu’il existe une technique permettant de la cueillir sans risquer d’être tué par son cri maléfique, qu’on trouve des mandragores de sexe masculin et féminin, que c’est la plante attitrée des sorcières…

Dans les collections de la Médiathèque, plusieurs ouvrages attestent l’existence de légendes autour des pouvoirs magiques de la mandragore. L’absence de cette plante sur le sol occidental (excepté dans certaines régions de Grèce et d’Italie) explique sans doute en grande partie la diffusion de ces légendes urbaines. Dans le Hortus Sanitatis ou Jardin de santé (1497), par exemple, on trouve une représentation anthropomorphique genrée de la mandragore. En effet, l’auteur distingue la mandragore mâle de la mandragore femelle.

Dans De historia stirpium (1542) de Leonhart Fuchs, on retrouve également cette représentation hybride de la mandragore : à la fois végétal et plante anthropomorphe. Pour autant, dans cette encyclopédie dédiée aux plantes, l’Atropa mandragora fait l’objet d’une description scientifique précise, dépourvue de ses attributs magiques et de sa forme humaine fastasmée, la plante étant simplement représentée les racines entremêlées faisant penser à deux jambes humaines croisées.

Malgré la multiplication des représentations de ce type dans les ouvrages du 16e et 17e siècles, l’assignation d’un sexe et d’une forme humaine à la mandragore n’est en aucun cas une réalité botanique. En revanche, son caractère toxique est avéré : hallucinogène, hautement sédative, elle est susceptible de générer des narcoses, des troubles cardiaques, un arrêt des fonctions vitales par anesthésie. Des propriétés qui, toutefois, ont longtemps été utilisées pour soigner des petits maux (douleurs abdominales, troubles de la libido, inflammations…) bien que son efficacité soit contestée dès l’époque moderne (16e-18e).

« Ni le pavot, ni la mandragore, ni tous les sirops narcotiques du monde ne te rendront jamais par médecine ce doux sommeil que tu avais hier »

William Shakespeare, Othello ou le Maure de Venise (1604).

Plante de la famille des solanacées, au même titre que la belladone et le datura, la mandragore, au-delà de la fascination qu’elle génère, figure parmi les plantes les plus représentées dans les ouvrages de botanique malgré son absence sur le sol français et son extrême rareté en Europe. Ses particularités de plante riche en alcaloïdes, en font une espèce d’herbacée très prisée des botanistes du 18e siècle qui ne cessent pas de la représenter. Cependant, malgré les avancées scientifiques au siècle des lumières, certains mythes persistent…Pierre Bulliard dans son Herbier de France (1784) mentionne la mandragore et propose une représentation de la plante qu’il légende « la mandragore femelle ». Il faudra attendre la première moitié du 19e siècle pour que ses caractéristiques physiques soient clairement établies.

Au 19e siècle, lorsque l’étude de la plante s’affine, les représentations de la mandragore se font plus précises et se délestent des légendes lui attribuant des pouvoirs magiques. MM. Chaumeton, Poiret et Chamberet dans leur encyclopédie Flore médicale (1833), la décrivent comme une plante pourvue de certaines propriétés médicinales mais réfutent toute forme de mysticité.

De nos jours, la mandragore n’est plus utilisée en pharmacopée. D’une part, ses vertus sont clairement contestées par la communauté scientifique, d’autre part, la plante se fait de plus en plus rare même dans ses régions de prédilection. Toutefois, dans la fiction, la mandragore continue de fasciner. Elle est popularisée à l’écran par la saga Harry Potter, et reste très présente dans la littérature fantastique occidentale.

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