Exposition « Rose & sakura » : La transidentité dans les manga

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Par Anne-Charlotte Pivot | Le 18 août 2023 | Que font les bibliothécaires ?

Dans le cadre de l’exposition Rose & sakura : féminité fantasmée, identités révélées (16/06/23-17/09/23), les bibliothécaires vous proposent de découvrir tout l’été des manga en lien avec les thématiques abordées dans l’exposition. Ces animations ont pour objectif d’apporter des compléments d’information sur l’exposition et les titres sélectionnés pour les mettre en regard avec la société japonaise.

Le mercredi 28 juin, les bibliothécaires ont proposé une mise en contexte, ainsi qu’un échange autour de la transidentité dans le manga contemporain, à travers trois titres : Celle Que je Suis de Morihashi Bingo et Koko Suwaru, Boys Run The Riot de Gaku Keito, et La Tour Fantôme de Nogizaka Taro. En voici le compte-rendu.

Qu’est-ce que la transidentité ?

La transidentité est le fait de ne pas se sentir en adéquation avec le genre assigné à la naissance. Pour le dire plus simplement, on dit d’une femme qu’elle est transgenre lorsqu’elle est née dans le corps d’un homme, et d’un homme qu’il est transgenre lorsqu’il est né dans le corps d’une femme. Évidemment, la transidentité regroupe également toutes les questions de « fluidité de genre », lorsque des personnes ne se sentent ni homme ni femme, ou entre les deux.

Une idée répandue veut que la transidentité soit une « invention » récente et occidentale. Ce n’est pas vrai : il a été prouvé par les historiens, anthropologues et sociologues que la transidentité existe depuis le début de l’humanité, et ce, chez tous les peuples, à l’image du concept de « Two Spirits » qui existe dans la tradition des indiens d’Amérique. La transidentité prenant des visages différents en fonction des cultures, il n’est pas aisé d’en dater la première apparition.

La transidentité a également existé au Japon, notamment par la figure du wakashu, cette personne de sexe masculin, adoptant des traits et un style féminin. Selon l’historien Gregory Pflugfelder, spécialiste du Japon et des genres, il s’agit d’un troisième genre dans la culture nippone. C’est paradoxalement avec l’occidentalisation de l’archipel que la transidentité et tous rapports aux communautés LGBT sont devenus tabous. 

La transidentité dans le manga

Étant un reflet artistique du Japon, nous pouvons retrouver des évocations de travestissements et de transidentité dans l’histoire du manga. Ces sujets ayant longtemps été tabous, ils ont mis du temps à sortir de la simple évocation et de la marge. Nous pouvons cependant parler du titre Ranma ½, où un homme se transforme en femme lorsqu’il est au contact de l’eau. C’est évidemment un traitement très humoristique et fantastique de la transidentité, mais c’était un début balbutiant.

Dans le manga contemporain, la transidentité est devenu un vrai sujet et de nombreux titres viennent en parler de façon variée, à l’instar de Ladyboy Vs Yakuzas, proposant une image hardcore et glauque de la transidentité et de la virilité au Japon. Nous avons donc décidé d’articuler notre sélection autour d’un « dézoom » sur cette thématique, allant du plus spécifique à l’anecdotique : ainsi Celle Que Je Suis parle quasiment exclusivement de la transidentité alors que Boys Run The Riot en parle au milieu d’autres thématiques. Le dernier titre de la sélection, La Tour Fantôme, quant à lui, propose un récit d’enquêtes et d’aventures où l’un des personnages s’avère être transgenre.

Celle que je suis

Yûji Manase est étudiant. Mais il vit au quotidien avec deux secrets dont il n’a jamais parlé à personne : d’une part, les sentiments qu’il éprouve pour son ami de longue date Masaki Matsunaga, et de l’autre, le malaise qu’il ressent vis-à-vis de son corps. Un jour, Yûji pose la main sur une robe que sa sœur a laissée dans son appartement, sans savoir que cet acte allait bouleverser sa vie…

Ce qu’en a pensé Flavia : Voilà un titre aux intentions louables et pétri de bonne volonté. Hélas, l’enfer est pavé de bonnes intentions.  La romance est classique et peu aboutie, et j’en suis venue à être heureuse qu’elle ne s’étale que sur deux tomes. Question message, le titre ne s’en sort pas mieux : on ressent qu’il s’agit ici du point de vue d’une personne qui n’est pas concernée. On ressent peut-être de la bienveillance, mais ce n’est pas convainquant. Je ne spoilerai pas, mais je pense que des jeunes qui cherchent des réponses risquent d’être déçus, voir découragés par la conclusion apportée au récit. Dommage !

Ce qu’en a pensé Joris : Récit court en seulement deux tomes, cette histoire touchante a pour principale qualité de traiter le sujet dans la transidentité dans les années 80 au Japon. Ce manga aux allures de shōjo va nous entraîner au cœur de romances et d’intrigues teintées de pressions familiales et sociales. N’en déplaise à Flavia, je trouve que la romance est quelque fois sublimée par l’utilisation originale d’une sorte de triangle amoureux, finalement porté de manière surprenante par le personnage masculin secondaire autour duquel l’histoire gravite. A découvrir, mais pas indispensable.

Boys run the riot

Ryo, assigné femme à la naissance, se sent mal dans son corps et l’identité de genre qu’on cherche à lui imposer. Refusant de porter son uniforme de fille, il essaie autant que possible de se rendre au lycée en tenue de sport. Mais quand un nouvel élève débarque, son destin change ! Malgré le look de « voyou » de ce dernier, ils découvrent qu’ils partagent la même passion pour la mode. Aussi, passé un premier contact difficile, ils décident tous les deux de se lancer dans un grand projet : créer, ensemble, une marque de vêtements avec pour rêve et revendication de pouvoir s’affirmer et s’exprimer en dehors de ce que la société essaie de leur imposer !

Ce qu’en a pensé Flavia : Comme quoi, lorsqu’une personne concernée est à l’origine du projet, cela change tout : la transidentité est représentée ici de façon juste, touchante et poétique. On voit que le mangaka a vécu ce que vit Ryo. Mais Boys Run The Riot est une réussite aussi car la transidentité n’est pas le seul sujet évoqué par ce manga qui est touché par la fougue et la rébellion de la jeunesse. C’est un petit coup de cœur qui se lit très vite grâce à une écriture incisive et un dessin très fluide. Petit bonus, l’édition française est de grande qualité, avec un.e traducteu.rice non-binaire qui en profite pour expliquer des termes techniques. Une édition parfaite pour les néophytes et les gens qui se posent des questions !

Ce qu’en a pensé Joris : Boys Run The Riot est avant tout une histoire d’amitié racontant la quête identitaire de quelques protagonistes. Et c’est en ça que réside sa force. En effet, tous vont souhaiter découvrir, affirmer et surtout afficher leurs valeurs, leurs discours et leurs combats par le biais d’un symbole fort : les fringues. L’histoire de Ryo, offre un témoignage sincère et authentique sur la transidentité qui s’intègre parfaitement dans un récit aux problématiques actuelles, représentatif des combats nécessaires à l’évolution de notre société. Une histoire courte, positive et stylée, au dessin bouillonnant d’énergie. Je recommande !

La Tour Fantôme

Ce qu’en a pensé Flavia : Ce qui me manque dans les histoires qui présentent des personnages transgenres ce sont… que ce soient de véritables histoires avant tout. Je souhaite voir de la représentation trans dans des histoires d’aventure, des thrillers, du fantastique, … Bref, que le sujet de la transidentité ne soit pas forcément au cœur de l’intrigue. C’est exactement la promesse de La Tour Fantôme, conte macabre. Tout n’est pas réussi dans ce titre, qui a tendance à partir dans tous les sens et à objectiver le corps de la personne transgenre. J’ai cependant passé un moment sympathique et divertissant en lisant les 10 tomes de cette saga.  

Ce qu’en a pensé Joris : Pas grand-chose. Ce titre dispose pourtant de qualités indéniables. D’abord un graphisme intéressant, ensuite une ambiance un peu glauque qui a tout pour plaire, et enfin un pitch où l’histoire n’est pas la transidentité, mais des enquêtes sur de sombres histoires de disparition ou de meurtres. Malheureusement, le premier tome m’est tombé des mains, trop brouillon. Le deuxième est tombé dans le café (sic), ce qui a scellé le sort de ce titre. Peut-être aurais-je dû continuer ?

Joris et Flavia

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