La bibliothèque bleue

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À la suite de cette présentation abrégée, un dossier plus complet peut servir de piste d’exploitation pédagogique. Pour compléter ce dossier et explorer d’autres propositions d’activités, rendez-vous sur le site La Bibliothèque bleue dans la cité.

Introduction : les débuts de la littérature de colportage

Tout au long du XVIe siècle, nombre d’imprimeurs continuent de produire des textes issus de la tradition médiévale, notamment des romans de chevalerie ou des ouvrages de piété, auxquels ils adjoignent des brochures plus « pratiques » : almanachs, prédictions, livres d’heures, abécédaires…

La volonté de toucher le plus large public pousse les imprimeurs à abaisser les coûts de production, en raccourcissant les textes et en négligeant la qualité de l’impression : coquilles nombreuses, caractères usés, illustrations réalisées à l’aide de bois gravés, qui n’ont souvent qu’un rapport lointain avec le texte.

Les premiers succès populaires concernent sans doute les romans de chevalerie : L’Histoire des quatre fils Aymon, Huon de Bordeaux… à Troyes, La Grande Danse macabre ou Le Grand Calendrier ou Compost des Bergers figurent parmi les plus anciennes impressions (fin XVe-début XVIe siècles).

Deux éditions troyennes du Grand calendrier et Compost des Bergers, qui serviront de modèles aux imprimeurs de la Bibliothèque bleue ci-contre.

Édition de Nicolas Le Rouge, 1529 (cote : Bbl651)
Édition de Jehan Lecoq, 1541 (cote : Bbl652)

1. Les grands thèmes de la Bibliothèque bleue

On peut distinguer trois grandes catégories.

  • Les ouvrages de religion : ils représentent la part la plus importante de la production au vu des inventaires après décès : Histoire Sainte, récits hagiographiques, cantiques et noëls, textes d’instruction religieuse…
  • Les ouvrages de fiction : ils empruntent au fonds ancien des romans de chevalerie, mais aussi aux contes de fées, nouvellement intégrés à la collection au début du XVIIIe siècle (contes de Perrault, de Mme d’Aulnoye, de Mlle Lhéritier). À cela s’ajoutent nombre de récits aux héros populaires, facéties, récits burlesques, satires des sexes et des conditions sociales, ainsi que quelques pièces de théâtre.
  • Les ouvrages d’instruction : leur nombre est sensiblement identique à celui des ouvrages de fiction, mais cette catégorie est aussi la plus disparate (brochures utilisées pour les apprentissages premiers ou pour un enseignement plus avancé ; histoire ; information et politique ; faits divers ; ouvrages pratiques et techniques ; remèdes ; recueils de chansons).

La Bibliothèque bleue transmet donc un bagage culturel souvent obsolète, qui se renouvelle peu.

L’histoire de Maugis d’Aygremont et de Vivian son frère, Nicolas Oudot, 1620 (cote : Bbl667).

2. Texte et image

Pour illustrer leurs ouvrages, les éditeurs troyens récupèrent des séries de bois passés de mode qu’ils vont réutiliser, retailler ou reproduire durant trois siècles.

Ces bois sont à leur tour imités par des éditeurs extérieurs à Troyes.

On estime à un peu plus d’un tiers la proportion des ouvrages illustrés de la Bibliothèque bleue. Mais la place accordée à l’illustration est très variable. La plupart des livrets se contentent d’une unique gravure en page de titre. Située entre le titre et l’adresse éditoriale, elle illustre et explicite. Parfois, son choix paraît aléatoire, car ce sont essentiellement des critères commerciaux et typographiques qui président à ces agencements (il s’agit d’inciter à la lecture, donc de susciter l’achat).

À l’intérieur de l’ouvrage, l’illustration utilise des bois gravés de réemploi : le rapport entre la graphie et l’iconographie est parfois fort ténu. Certains bois gravés deviennent même génériques, comme les scènes de bataille, qui peuvent figurer n’importe où, dès lors que le texte fait allusion à un combat. Dans de nombreux cas, un même bois gravé peut être utilisé plusieurs fois à l’intérieur d’un même ouvrage.

Les bois gravés, dans leur grande majorité, émanent d’artisans du livre restés anonymes.

3. Diffusion et colportage

Les ouvrages des imprimeurs troyens sont vendus dans certaines librairies (par exemple celle de la veuve de Nicolas Oudot à Paris), ce qui explique que l’on rencontre parfois des titres de la Bibliothèque bleue dans la meilleure société.

Mais l’idée dominante est d’aller au-devant de la clientèle. Ainsi naît le commerce ambulant par colportage, qui justifie aussi en partie l’apparence matérielle des ouvrages : transportés dans les ballots des marchands, ils doivent être légers, d’où leur format réduit et l’absence de reliure. Activité d’abord largement urbaine, le colportage, parallèlement aux progrès de l’alphabétisation, part à la conquête des campagnes où il fait partie intégrante du paysage à la fin du XVIIIe siècle.

Mais ces « marchands-vagabonds » n’étaient pas toujours vus d’un très bon œil. Les imprimeurs–libraires, qui avaient pignon sur rue, leur reprochaient de leur faire une concurrence sauvage, de favoriser la fraude, l’importation illicite ; les autorités de police les considéraient comme des insoumis, voire des séditieux.

Les règlements n’ont cessé de tenter de contrôler cette pratique, mais leurs fluctuations montrent bien leur échec. De 45 colporteurs autorisés en 1611, on passe à 120 en 1712. En 1723, on exige qu’ils sachent lire et écrire. En 1725, ils doivent porter une plaque spéciale. En 1757, un édit punit de mort le colportage de livres clandestins. La censure est supprimée en 1788, mais la Convention remet le colportage sous surveillance.

À la fin du règne de Louis-Philippe, un rapport de la commission de colportage estime à 3500 le nombre de colporteurs circulant en France, où ils distribuent chaque année 9 millions de volumes : c’est l’apogée du colportage.

Bois gravé : le colporteur (cote : Sup57)

4. À la recherche d’un public

Un vrai problème se pose lorsqu’on évoque la question du public de la Bibliothèque bleue. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, la France est à peu près analphabète ; malgré les progrès de l’instruction, elle semble l’être encore à moitié à la veille de la Révolution. Comment expliquer, en ce cas, ce phénomène de librairie ? Une hypothèse vraisemblable consiste à admettre qu’il existait au moins dans chaque village quelqu’un capable d’assurer une lecture communautaire le soir à la veillée, lecture que l’on reprenait chaque jour et qui se faisait donc par bribes.

Le succès de la Bibliothèque bleue peut aussi suggérer que l’alphabétisation est plus poussée que ne le laissent suggérer les études menées à partir de la simple capacité à écrire.

Histoire des quatre fils Aymon, Lecrêne-Labbey, Rouen (cote : Bbl1284)

5. Ailleurs…

Le succès des imprimeurs troyens est imité dans maintes villes françaises : à Rouen, d’abord, dès le XVIIe siècle, puis à Limoges, Caen, Lille, Lyon, Avignon. Le phénomène explose vers 1750, et, vers 1800, tout le territoire français est concerné, y compris dans de petites villes où des imprimeurs éditent des brochures souvent copiées page à page sur celles publiées par un confrère. Pour ces artisans du livre, cette activité n’apparaît que comme une diversification de leur production. Elle est parfois associée à la fabrication et la diffusion d’images populaires (comme à Epinal, Metz, Orléans, Toulouse).

Malgré tout, la production troyenne a toujours conservé son prestige, comme le prouve, par exemple, l’utilisation par certains imprimeurs d’une adresse troyenne (parfois fictive) pour mieux écouler leur production ou en augmenter l’éclat.

Par ailleurs, des formules semblables à la Bibliothèque bleue, diffusées essentiellement par colportage, existent en d’autres pays d’Europe à diverses périodes : broaside ballads et chapbooks en Angleterre, Volksbücher en Allemagne, Volksboeken en pays flamand, litteratura de cordel en Espagne. Du XVIe au XIXe siècle, l’Europe, en voie d’alphabétisation, s’est donc dotée d’un instrument d’acculturation commun : l’imprimé de grande diffusion.

Proposition d'exploitation pédagogique

| Travail avec le catalogue numérisé de la médiathèque de Troyes en salle informatique (recherche documentaire, maniement des TICE) :
– Rechercher des ouvrages édités par les principaux imprimeurs troyens de la Bibliothèque bleue / par des imprimeurs d’autres villes.
– Rechercher des ouvrages appartenant aux grandes catégories thématiques de la Bibliothèque bleue.
– Rechercher plusieurs éditions (périodes et imprimeurs différents) d’un « best-seller » de la Bibliothèque bleue (Histoire des quatre fils Aymon, Fortunatus, Jean de Paris…)
– Rechercher des ouvrages différents illustrés par les mêmes bois gravés.
– Rechercher des illustrations et les bois gravés correspondant.
Pour tous ces exercices, il est important de faire nommer par les élèves non seulement le titre et l’éditeur, mais surtout la cote de conservation des ouvrages et des bois gravés.
Site de la médiathèque de Troyes : https://mediatheque-jacques-chirac.fr/ → cliquez sur l’onglet « Patrimoine » → faites les recherches dans « Patrimoine numérique ».

| Visite à la médiathèque de Troyes :
L’exposition permanente de la médiathèque « Mille ans de livres à Troyes » présente sous vitrine un certain nombre de livrets de la Bibliothèque bleue.
Visite guidée possible (contact et renseignements : ) et dossiers pédagogiques disponibles en ligne.

Bibliographie :

  • Beaux récits, belles images !, catalogue de l’exposition de Troyes et Chaumont (texte de Marie-Dominique LECLERC et Alain ROBERT), Troyes, 1999. Cote médiathèque : U.F.A.000.4 BEAU.
  • Geneviève BOLLEME, La Bibliothèque bleue, la littérature populaire en France du XVIe au XIXe siècle, Paris, 1971. Cote médiathèque : 398.5 BIB.
  • Robert MANDROU, De la culture populaire aux XVIIe et XVIIIe siècles : la Bibliothèque bleue de Troyes, Paris, 1964. Cote médiathèque : 398.5 MAND.